Fred MAZOIR

La nuit, c'est le moment privilégié pour la création.

Les remous des activités humaines font place au calme et au silence.

Sous les étoiles, en intimité avec le feu, en lien avec les couleurs du fer incandescent, en pleine vacuité.

"Ce calme tout au long de la nuit ; pourquoi ? et pour qui ?" Cheng-Tao Ke

Ce voyage, je l"ai voulu initiatique et il l'a été. Voici quelques extraits de mon carnet de voyage.



"L'air frais, un immense nuage arrive par le sud-ouest. La ville de la baie des fumées, c'est petit, une petite communauté. des monticules de roche, de l'eau, de la lave refroidie, une herbe dure et jaunie un peu verte. Ce soir, c'est vendredi tout le monde est en fête. Il est 20 h, dehors le vent, la neige et le froid, dedans les gens parlent fort et rigolent. Je ne comprends absolument rien de leurs paroles, c'est fantastique ! Me voici où j'ai rêvé d'être depuis longtemps, pourvu que je trouve ce que je cherche et que je ne cherche plus et que je trouve..."



"...Après la ville, la sauvagerie des volcans dont la lave se jetait dans la mer. Je regarde encore le ciel, tous ces nuages, de toutes les formes, tailles et couleurs, on dirait que le monde est fou... Me voici à la gare routière, j'attends le bus pour Olafsvik. J'essaie au maximum de parler islandais, j'arrive à demander ce que je veux mais je ne comprends pas les réponses. Je pars pour un des plus grands volcans d'Islande, je suis très excité, il va sans doute entrer en éruption, ou le contraire peut-être. Me voici donc à Olafsvik, tout petit port. Au nord, je vois des grands fjords qui font peur. Le camping est fermé... La tente est plantée, blottie contre un bâtiment du port, pour se protéger du vent du nord, froid et virulent, à quelques mètres, le quai, les bateaux de pêche..."



"...La route de Hessandalur à Arnarstapi est incroyablement belle, on y voit des dizaines de volcans sans perdre de vue sa majesté le Snaeffellsjökull . Sur une dizaine de km, où passe environ une voiture par heure, la route est une bande de lave concassée, ça glisse dur, les cailloux volent dans tous les sens, faut avoir une sacrée bagnole. Il y a quelque chose que j'ai très envie d'aller voir côté mer: un champ de lave et 2 "choses" immenses comme plantées là, témoins d'une force colossale..."



"...La neige tombe horizontalement, vent fort, visibilité à 20 m, Je vais jusqu'à la mer pour voir les falaises de basaltes. Superbe balade à enjamber les ruisseaux au pied du grand volcan. Je suis monté sur de grandes falaises qui dominent l'océan, parcourues de cascades de plusieurs dizaines de mètres de haut. Il y a aussi des percées verticales dans la falaise qui communiquent horizontalement avec l'océan, tu écoutes la musique minéralo-aquatique. Je suis bien ici, pourquoi aller ailleurs, ici il y a tout..."



"... Ici les villages ne ressemblent pas à des villages, les maisons sont posées par-ci par-là, comme si ça venait de se faire, comme ci ça n'allait pas durer...Me voici du côté de Krisuvik, dans le sud-ouest, vent très très fort en rafale. des flaques d'argile chaude, des fumerolles, des sons de la Terre avec un vent d'une force incroyable, quelle ivresse! J'ai fait plein de photos, après cela, j'ai gravi un volcan, mon premier volcan, émotion indescriptible ! Arrivé au sommet, j'ai failli être arraché par le vent, puis un thé en son sein. Je me découvre une nouvelle passion: boire un thé dans un cratère d'un volcan. "avez vous déja pris un thé dans un cratère de volcan ?". A labri du vent, dans un lit de mousse, à l'abri de tout, dans un minéral placenta, moment inoubliable..."









L'éruption du Snaeffellsjökull a eu lieu en 1229, prochain voyage en Islande : dés que possible

Dans les mouvements de la terre, de l'air, de l'eau, je reconnais comme un style de formes caractéristiques:
une écriture que je considère comme la calligraphie chinoise ou arabe, c'est à dire que je trouve cela sublime et profond,
sans pour autant vouloir y donner du sens.

Le fer a ceci de très intéressant qu'il permet d'écrire dans l'espace.
Il peut se tenir debout, se suspendre, s'enrouler...
soulever, traverser, ou bien serrer quelque chose.

"Volutes (de fumée)",c'est avoir vu quelque chose et, avec la contribution du fer et du feu, tenter de retranscrire.
je ne me rappelle quasiment jamais des discutions que je peux avoir avec les gens qui fument, puisque toute mon attention se porte sur les mouvements de fumée.

Cette "mécanique des fluides" raconte ce qu'il se passe autour de nous, ce que l'on ne sait pas voir.
Ascension, enroulement, sinuosité, étirement, soudain, un mouvement d'air et c'est comme ci cette matière percutait un mur invisible.
Cet univers m'intéresse beaucoup et me pousse de plus en plus à contempler le monde discret des flaques d'eau, des fissures, des cheveux dans la baignoire, des couches de laves refroidies, de l'eau qui bout;
et de donner à voir, pour tous.

"Quelque chose du Fer et du Feu,

de la Materia Prima,
des flux organiques.

"Tout ce qui est enfoui, invisible, lointain, impalpable, me touche."

Cette série de sculptures est basée sur le geste d'enroulement à chaud, de plusieurs barres de fer préalablement rivetées ensemble.
L'idée m'est venue en Islande, (en buvant le thé dans le cratère d'un volcan); je les intitule aussi "Elska".
Souvent l'on pense que le fer est quelque chose de froid, dur et rigide alors qu'il peut être aussi chaud, souple et imprévisible.
Grâce au feu et au geste d'enroulement, le fer va générer des formes qui ne peuvent être pré-déterminées, en cela, pour moi, réside la très grande Beauté
C'est à la nuit tombée que les couleurs et les rayonnements du fer et du feu sont les plus perceptible.